L’association Med Run Effect a déposé un préavis de grève à compter du samedi 29 octobre 2022, prévoyant une fermeture totale de la majorité des cabinets de garde de La Réunion pour une durée illimitée. Med Run Effect souhaite marquer son opposition au projet de nouveau cahier des charges de la PDSA (permanence des soins ambulatoires) mis en concertation par l’ARS, mais aussi aux contrôles par l’Assurance maladie des facturations de certains médecins de l’association.
L’ARS, après avoir discuté longuement avec les médecins concernés, a sollicité le préfet pour réquisitionner certains médecins libéraux afin d’assurer un service minimum en réponse aux besoins de soins non-reportables de la population.
De même, elle a mis en alerte les services d’urgences, le SAMU et la régulation médicale ; la communauté hospitalière se mobilise pour renforcer les capacités d’accueil et d’orientation aux urgences, mais ne pourra faire face à un report massif des patients ne trouvant pas de réponse en ville. Il convient donc pour la population d’anticiper une désorganisation de l’offre de soins médicaux de ville en soirée et le week-end, pour les prochains jours.
Afin de préserver la capacité de réponse du système de santé aux besoins de soins urgents ou ne pouvant être reportés, et d’éviter que des patients pâtissent gravement des conséquences de ce mouvement, l’ARS demande à la population :
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L’ARS communique sur la démarche menée depuis fin 2021 pour réviser le cahier des charges de la PDSA, et sur les importantes améliorations proposées. Elle regrette que Med Run Effect revienne sur les acquis de la négociation et que l’association exige que les autorités couvrent des pratiques contraires au cadre règlementaire, avec un appel à la grève aux répercussions préjudiciables pour les patients dans les prochains jours.
Qu’est-ce que la permanence des soins ambulatoires ?
La mission de permanence des soins ambulatoires (PDSA) permet de répondre aux besoins de soins non programmés de la population, aux heures de fermeture des cabinets médicaux de ville (soirées et nuit, samedi après-midi, dimanche et jours fériés), lorsque les soins ne relèvent pas d’une urgence hospitalière et ne peuvent être différés à la réouverture des cabinets médicaux.
La PDSA est assurée par des médecins généralistes libéraux volontaires, qui s’inscrivent au tableau de garde tenu par le Conseil départemental de l’ordre des médecins.
L’organisation de la permanence des soins est définie par l’ARS au travers d’un cahier des charges concerté avec les acteurs de santé (médecins libéraux, services d’urgence et SAMU), le SDIS et les représentants des élus et des patients.
Ce cahier des charges prévoit notamment le découpage du territoire en secteurs de garde, et définit le nombre de lignes de garde par secteur en considération des besoins de la population.
Pourquoi revoir l’organisation de la permanence des soins à La Réunion ?
Le cahier des charges de la PDSA a été adopté en 2012 et révisé la dernière fois en 2018. Depuis, les modes de recours aux soins de la population ont évolué et les médecins impliqués ont souhaité revoir l’organisation en place.
A cette fin, l’ARS a diligenté un audit, largement partagé, en 2021. Cet audit constatait un niveau général satisfaisant de réponse aux besoins de la population :
- une régulation des appels par les médecins libéraux effective et de qualité, avec plus de 50 000 appels traités par an, dont 60% donnent lieu à des conseils médicaux sans nécessité d’une consultation immédiate dans un cabinet de garde ou d’une orientation aux urgences ;
- une bonne couverture du territoire avec 11 secteurs disposant d’une structure de garde (à l’exception de Cilaos), et 135 médecins mobilisés, ayant pour la plupart spécialisé leur activité dans la PDSA ;
- une activité médicale importante aux horaires de la PDSA, avec des médecins disponibles et en capacité de réaliser certains gestes techniques, évitant le report des patients sur les urgences hospitalières.
Pour autant, l’audit constatait la faiblesse de la part des consultations préalablement régulées par le centre 15 au regard du volume global de consultations aux horaires de la PDSA :
- les structures de garde accueillent les patients directement lorsqu’ils se présentent ;
- elles sont bien identifiées par la population, qui y a recours sans appeler préalablement le 15, et donc pour des demandes de soins dont certaines auraient pu être différées et prises en charge par les cabinets de ville à leurs horaires habituels d’ouverture ;
- les structures de garde mobilisent des médecins supplémentaires, ajustant ainsi la réponse médicale à la fréquentation de la population, et encourageant ainsi le recours médical en dehors du fonctionnement normal des cabinets de ville.
Des anomalies de facturation étaient également relevées, avec l’application de la majoration PDSA par des médecins n’étant pas inscrits au tableau de garde et/ou pour des consultations non-préalablement régulées par le centre 15.
A partir de ces analyses, l’ARS a réuni, à de nombreuses reprises en 2021 et 2022, un groupe de travail associant l’ensemble des structures de garde de La Réunion, ainsi que l’Assurance maladie, le Conseil départemental de l’ordre des médecins et le SAMU.
Quelles améliorations proposées à l’organisation de la PDSA à La Réunion ?
En considération des attentes des médecins impliqués dans la PDSA, l’ARS a proposé les évolutions suivantes :
- démarrage de la PDSA à 19H00 en soirée, et non 20H00, pour tenir compte des horaires de fermetures des cabinets médicaux, et le samedi à 12H00 contre 14H00 ;
- extension des astreintes mobiles, actuellement uniquement en journée du samedi et dimanche, aux soirées toute la semaine afin de satisfaire la demande de soins des personnes ne pouvant se déplacer et de garantir l’établissement des certificats de décès ; cette extension fera l’objet d’une évaluation à 6 mois ;
- création de deux nouveaux secteurs, au Nord et à l’Ouest, afin de tenir compte de l’importance de la population desservie et de l’étendue géographique ;
- identification des structures de garde, sécurisant ainsi les organisations mises en place par les médecins impliqués de longue date dans la PDSA ;
- reconnaissance d’une structure de garde auprès de chacun des 4 services d’urgence de La Réunion, pour faciliter la réorientation des patients ne relevant pas des urgences hospitalières ;
- augmentation du nombre de lignes de garde, passant de 11 à 15 lignes ;
- revalorisation du barème d’indemnisation des gardes et astreintes des médecins libéraux.
Concernant la régulation préalable des consultations en PDSA par le centre 15, l’ARS a rappelé la réglementation nationale qui en pose le principe ; elle a toutefois retenu que les patients pouvaient continuer de se présenter d’eux-mêmes dans les structures de garde, sans que ces dernières ne puissent, en application des règles tarifaires de l’Assurance maladie, facturer alors la majoration de PDSA. Les majorations spécifiques « nuits, week-end et jours fériés » restent possibles en conformité avec la nomenclature de l’Assurance maladie.
Une concertation qui se poursuit
A l’occasion des consultations en cours, certaines organisations médicales ont fait valoir des derniers points de désaccord, dont certains trouvent une réponse favorable :
- sécurisation des médecins mobiles pour leurs interventions pour des certificats préalables à des soins psychiatriques sans consentement : un protocole sera élaboré, sous l’égide de la préfecture et de l’ARS, avec les médecins, les forces de l’ordre, le SAMU et les services de psychiatrie ;
- ouverture de 6 lignes de garde supplémentaires à raison d’une ligne sur chacun des secteurs les plus peuplés, soit au final le doublement des lignes de garde par rapport à la situation actuelle (passage de 11 à 21 lignes).
Quelle position de l’ARS vis-à-vis des revendications de Med Run Effect ?
Pour marquer son opposition au projet de nouveau cahier des charges de la PDSA, l’association Med Run Effect, qui fédère 9 des 11 structures de garde de l’île, a posé un premier préavis de grève illimitée pour le samedi 22 octobre 2022.
Une négociation a été ouverte par l’ARS, en présence de l’Assurance maladie et du président du Conseil départemental de l’ordre. Un accord a été finalisé le jeudi 20 octobre avec validation en séance par Med Run Effect, représentée par son président.
Cet accord prévoyait notamment :
- le renforcement du nombre de lignes de garde ; une évaluation de l’activité sera diligentée par l’Assurance maladie afin de mesurer la part relevant effectivement de la PDSA, et à l’issue, l’ARS ajustera le nombre de lignes ;
- la possibilité pour les médecins de facturer systématiquement le forfait PDSA pour toute consultation, même non-préalablement régulée, pour les enfants de 0 à 12 ans ;
- la possibilité pour un médecin régulièrement inscrit au tableau de garde, de facturer avec tact et mesure la majoration PDSA, même en cas d’absence de régulation préalable de la consultation, lorsque la situation médicale du patient aurait justifié une orientation vers une consultation médicale immédiate ;
- la suspension des contrôles de l’Assurance maladie durant les travaux du Conseil National de la Refondation en Santé (CNR Santé);
- l’inscription des évolutions règlementaires souhaitables de la PDSA, au regard de la situation locale, dans les tous prochains débats régionaux du CNR Santé pour remontée au ministère de la Santé et de la Prévention.
Avec les évolutions déjà actées, ces ajustements se traduisaient par un doublement des lignes de garde au niveau régional et une dépense supplémentaire de l’ARS au bénéfice des médecins impliqués de 1,2 millions d’euros.
Malgré ces avancées, le lendemain, vendredi 21 octobre, Med Run Effect refusait, au final, de signer l’accord, tout en levant son préavis.
Cette semaine, Med Run Effect a déposé un nouveau préavis de grève à compter du samedi 29 octobre. Il apparaît que ce collectif souhaiterait :
- que toute activité médicale, aux horaires de la PDSA, soit considérée comme relevant de la permanence des soins, avec facturation systématique de la majoration PDSA ;
- que l’Assurance maladie accepte ces facturations systématiques en contradiction avec les règles en vigueur ;
- que l’Assurance maladie abandonne tout contrôle en cours ou pour l’avenir.
L’ARS déplore la méthode retenue par Med Run Effect consistant à ne pas respecter le déroulement des négociations engagées, et à exiger de prendre acte d’un fonctionnement contraire au cadre règlementaire actuel.
L’ARS rappelle que la PDSA est une activité répondant à des demandes de soins dans le cadre d’une mission de service public ne pouvant être différées, sans toutefois relever de l’urgence hospitalière. L’existence de structures médicales ouvertes en soirée et le week-end, et répondant à toute demande de soins, apporte un service réel à la population et évite certains recours aux urgences. Pour autant, cette organisation comporte le risque d’encourager la population à recourir aux soins en soirée et le week-end, pour des questions de commodités ou de contraintes de vie personnelle, en dehors du médecin traitant et donc au détriment d’un suivi médical régulier et d’un parcours de soins coordonnés.
Cette évolution des modes de recours aux soins peut s’entendre mais mérite d’être organisée en complémentarité et coordination effective avec les médecins traitants ; elle ne relève pas de la permanence des soins ambulatoires et ne peut justifier de facturer à l’Assurance maladie les majorations des actes régulés de PDSA.
S’agissant de prestations de sécurité sociale, financées sur les cotisations et contributions des assurés sociaux, il ne peut être attendu de l’Assurance maladie qu’elle abandonne tout contrôle des facturations.L’ARS reste ouverte à toute discussion avec Med Run Effet et les autres organisations représentatives des médecins libéraux, afin de rechercher les meilleures solutions, y compris par la sollicitation d’évolutions règlementaires ou d’expérimentations, dans le respect partagé de l’intérêt des patients. Ces travaux seront menés dans les prochaines semaines à l’occasion du Conseil National de la Refondation en Santé.